Voici une lettre de M. le maréchal de Berwick du 14, qui nous instruira encore mieux que ce que nous avons appris:
«Toutes les brèches étant en état, et les débouchés faits tant dans le chemin couvert que dans le fossé, l’on donna, le 11, l’assaut général, au petit point du jour. M. de Dillon étoit lieutenant général de tranchée, et M. de Cilly, étant celui qui le devoit relever, s’y trouva aussi avec la nouvelle tranchée. L’attaque s’est faite par trente et un bataillons et trente-huit compagnies de grenadiers, soutenus de dix bataillons et autant de compagnies de grenadiers commandés par MM. de la Vere et de Guerchy, lieutenants généraux. Outre cela M. de Châteaufort, commandant les dragons, étoit détaché avec six cents dragons pour attaquer la redoute qui étoit à gauche à notre égard du bastion du levant; M. d’Armendaris, brigadier de cavalerie, soutenoit les dragons le long de la mer avec trois cents chevaux.
«L’attaque se fit en même temps de partout et réussit parfaitement. Les grenadiers et les bataillons s’étendirent d’abord le long du rempart, et ensuite attaquèrent de toutes parts les retranchements que les ennemis avoient fait faire derrière tout le front de l’attaque. Les ennemis furent pareillement chassés des retranchements; l’on s’empara aussi de beaucoup de maisons et de quelques places encore plus en avant. Les ennemis revinrent par plusieurs endroits à la charge, mais nos gens se maintinrent partout hors ceux qui, sans ordre s’étoient étendus sur le rempart jusqu’à la gorge du bastion de Saint Pierre, d’où ils furent obligés de revenir à cause du feu épouvantable qui sortoit des couvents et des maisons retranchées. Nos gens voulurent retourner par cinq ou six fois, mais il n’y eut pas moyen de s’y loger, et la perte y fut très-considérable. L’on travailla à faire une coupure sur le rempart auprès du bastion du midi, afin de faire de nouvelles dispositions, et, par le moyen des maisons, se porter en avantjusqu’à la Rembla [Rambla]. Le feu dura avec grande véhémence jusque sur les quatre heures après midi que les ennemis firent rappeler. Les députés sortirent et après quelques allées et venues; le lendemain 12 au matin, ils revinrent implorer la clémence de S. M. C. On leur a accordé la vie et promis de ne point permettre de pillage. Toutes les troupes réglées de la garnison se sont rendues à discrétion, toutefois la vie sauve. Les bourgeois doivent retourner dans leurs maisons de la ville et remettre leurs armes; outre cela, la ville a envoyé ordre à Cardonne de se rendre, et le même jour, 12, on prit possession du Mont-Jouy.
«J’oubliois de dire qu’après que la redoute fut prise, les dragons gagnèrent au plustôt la tête de l’attaque et se joignirent aux grenadiers; la cavalerie moula pareillement par les brèche dedans la ville. Nous avons perdu dans cette action au moins quinze cents hommes de tués ou de blessés, et les ennemis autant; il y eut plusieurs fougasses et mines qui nous firent beaucoup de mal, et qui dans quelques endroits ébranlèrent nos troupes.
«Barcelone a tenu soixante et un jours de tranchée ouverte, mais aussi on n’a guère vu une plus grande opiniâtreté que celle de sa garnison et de ses habitants.»
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